D’après l’Assurance Maladie, en 2020, 14% des dépenses totales concernaient la santé mentale, ce qui représente 23,3 milliards d’euros en France. La santé mentale regroupe de nombreux troubles, mais parmi ceux-ci, les troubles dépressifs et anxieux sont les plus courants : la dépression concerne 5% des adultes dans le monde, et il est estimé qu’en France, une personne sur 5 a souffert ou souffrira de dépression au cours de sa vie.
Devant cet alarmant constat, comment peut-on aider les patients atteints de troubles anxieux et dépressifs ? Comme plus de la moitié des patients préfèrent ne pas en parler, il est d’abord essentiel de mieux comprendre comment ces troubles se manifestent et quels sont les dispositifs qui permettent de les détecter et de les traiter.
Une pratique qui a montré des résultats encourageants dans la réduction des symptômes et la prévention des rechutes est la méditation pleine conscience. Elle est de plus en plus plébiscitée par le grand public et de nombreuses applications existent aujourd’hui pour pratiquer la méditation grâce à son téléphone. Comment peut-on l’utiliser pour réduire l’anxiété et la dépression ?
Qu’est-ce que la dépression et l’anxiété ?
La dépression est caractérisée par une tristesse permanente et un manque d’intérêt pour la plupart des activités quotidiennes. Elle peut s’accompagner de trouble du sommeil, de fatigue, de manque d’appétit, d’angoisse …
La dépression a un impact fort sur la vie du patient et lors d’un épisode dépressif, le risque de suicide est multiplié par 30.
Les médecins recommandent un traitement médicamenteux et un suivi psychologique. L’objectif est de réduire les symptômes et leur impact sur la vie du patient, mais aussi de prévenir les rechutes.
En l’absence de prise en charge, un épisode dépressif peut se résoudre de lui-même en 6 à 12 mois. Cependant, un épisode dépressif est rarement isolé et 80% des patients voient la maladie récidiver.
La dépression est fortement corrélée aux troubles anxieux puisque 70 à 80% des personnes qui en souffrent risquent de développer des symptômes dépressifs. L’anxiété est une réponse normale du corps face à une situation dangereuse ou stressante, mais on parle de troubles anxieux lorsque l’anxiété est forte et durable alors qu’il n’y a pas de menace directe, et que la personne est perturbée dans son quotidien.
L’anxiété est aussi un trouble répandu puisque 1 adulte sur 5 est touché au cours de sa vie, et plus particulièrement les femmes : elles sont deux fois plus affectées que les hommes.
La prise est en charge est la même que pour la dépression : les anti-dépresseurs permettent de diminuer les symptômes et la psychothérapie aide le patient à gérer son anxiété et à la prévenir.
Afin de détecter ces deux maladies, le personnel médical peut utiliser des tests afin d’estimer l’intensité des symptômes dépressifs, comme par exemple l’échelle HADS (Hospital Anxiety and Depression scale). C’est un questionnaire à choix multiples composé de 14 questions : la première moitié concerne la dépression et la seconde les troubles anxieux. Plus la note finale est élevée, plus les symptômes dépressifs et anxieux affectent le quotidien du patient.
Pour aider les personnes qui souffrent de ces troubles, il n’est pas question de remplacer le traitement actuel, mais de plus en plus de patients se tournent vers des solutions alternatives pour les compléter et diminuer leurs symptômes.
L’impact de la méditation pleine conscience sur la dépression
La méditation pleine conscience est une pratique ancienne qui provient du bouddhisme. Elle consiste à ramener son attention sur l'instant présent et à observer les sensations ou pensées tandis qu'elles apparaissent puis disparaissent. L’objectif est de se concentrer sur le moment présent, et la personne qui médite peut se focaliser sur ses sensations, sa respiration, un point de son corps, ses émotions, ses pensées …
Le biologiste américain Jon Kabat-Zinn est le premier à laïciser cette méditation en développant dans les années 70 le MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction), la méthode de réduction du stress à partir de la pleine conscience. Ce programme d’une durée de 8 semaines est composé de séances quotidiennes de méditation de 45min, d’une séance hebdomadaire en groupe de 2h30 et d’une retraite d’une journée.
Le Dr Kabat-Zinn mène lui-mène la première étude scientifique sur ce programme en 1982 et en conclut qu’il permet de diminuer les symptômes chez les patients atteint de douleurs chroniques. En 1992, il dirige une autre étude sur 22 participants afin de montrer que le MBSR permet de réduire le stress chez les patients atteints de trouble anxieux.
La méditation s’est progressivement répandue et le nombre d’essais cliniques randomisés a explosé ces dernières années, avec 216 articles sur le sujet publiés entre 2013 et 2015.
Basée sur le MBSR, des psychologues ont développé la MBCT (Mindfulness-based cognitive therapy), thérapie cognitive basée sur la pleine conscience. Ce programme de psychothérapie a pour but de prévenir la rechute dépressive chez les individus souffrant de dépression. Il dure lui aussi 8 semaines, toujours en groupe. Il est notamment composé de séances de méditation guidée et d’exercices à réaliser à la maison.
En 2015, une étude anglaise publiée dans The Lancet a sélectionnée 424 patients qui avaient eu au moins 3 épisodes dépressifs et qui étaient guéris ou en cours de guérison.
Tous les participants suivaient un traitement d’anti-dépresseur, et ont été séparés en deux groupes : un groupe continuait le traitement médicamenteux, et l’autre groupe a suivi pendant 8 semaines le programme MBCT. L’étude a suivi les participants pendant 2 ans et a mesuré le nombre de rechute, et dans ces cas, le temps entre la fin de l’étude et le nouvel épisode dépressif.
Les résultats ont montré qu’il n’y a pas de différence significatives entre les deux groupes, ce qui prouve que les deux méthodes sont utiles pour prévenir des rechutes (et même complémentaires).
Cependant, ces programmes demandent un investissement financier et temporel important, et ils ne sont pas accessibles à tous.
Les effets des apps de méditation
Le succès de la méditation et son accès au grand public a été facilité par la sortie d’applications de méditations, telles que Headspace, Calm, Mind ou encore Petit BamBou, une application qui compte près de 9 millions d’utilisateur.
Ces applications proposent des courtes séances de méditation, dont un certain nombre gratuitement. Elles rendent accessibles la méditation partout, à tout le monde, ce qui était le point faible des programme MBSR et MBCT.
Cependant, ces applications ne sont pas des logiciels de santé et leurs revendications ne sont pas prouvées scientifiquement. Pour choisir la bonne application, l’utilisateur peut se fier aux notes données sur les stores, mais celles-ci sont plus focalisées sur l’expérience utilisateur que sur les résultats cliniques. Afin d’aider les personnes qui cherchent une application pour les accompagner lors de troubles mentaux, des médecins ont créé le site Psyber Guide. Celui-ci recense les applications disponibles et les notent en se basant sur articles scientifiques qui prouvent leur efficacité.
Sur Psyber Guide, on peut par exemple comparer les applications Headspace et Calm. Elles sont respectivement notées sur deux critères : la crédibilité des études scientifiques, et l’expérience utilisateur :
Headspace est pour l’instant la mieux notée, mais toutes les applications ne sont pour l’instant pas référencée. PetitBambou par exemple, n’est probablement pas encore connue assez connue aux Etats-Unis.
Contrairement aux programmes de méditation comme le MBSR ou le MBCT, l’utilisateur n’est pas guidé par un professionnel. Il n’a pas d’obligation à être régulier et il peut s’impliquer comme il le souhaite. Dans ces conditions, les effets de la méditation via une application sont-ils efficaces ?
En 2021, un médecin membre du board de l’application Calm a conduit une étude scientifique : 239 adultes fréquemment sujets aux insomnies ont utilisé l’application pendant 8 semaines, en méditant 10min par jour. L’équipe a choisi de s’intéresser aux personnes souffrant d’insomnie car des études ont montré qu’il y avait un lien bi-directionnel entre l’insomnie et les symptômes dépressif et anxieux : les personnes souffrant de dépression ou d’anxiété ont plus de chance d’avoir des problèmes de sommeil, et les problèmes de sommeil augmentent les symptômes dépressif et anxieux.
L’étude a utilisé l’échelle HADS pour mesurer l’évolution des participants. A la fin des 8 semaines, les participants qui avaient utilisé l’application Calm ont vu une diminution de leurs symptômes dépressif et anxieux.
D’autres applications de méditation ont réussi à prouver leur efficacité : en 2014, une étude scientifique a demandé à un groupe d’utiliser l’application Headspace, et à un deuxième groupe témoin d’utiliser une application de TODO liste, sans aucune fonctionnalité liée à la méditation. Les personnes utilisant l’application de méditation ont vu leurs symptômes dépressifs diminuer.
Conclusion
La dépression et l’anxiété touchent de nombreuses personnes à travers le monde, et il existe des traitements efficaces pour aider les patients. La méditation et les applications associées n’ont pas pour objectif de remplacer les traitements, mais d’apporter une aide complémentaire aux patients, notamment en aidant à réduire le risque de chute.
L’effet positif de ces applications - qui ne sont pourtant pas des logiciels de santé - sur l’amélioration de la santé mentale des patients a été démontré par des premières études. Ces résultats marquent-t-il un premier jalon vers le développement de logiciels thérapeutiques de santé mental ?