Mise en contexte
Depuis la pandémie de Covid-19, le taux d’essais cliniques hybrides — c’est-à-dire qui comportent au moins une étape digitalisée pour le patient — est passé de 10 % à 40 % en France. La crise Covid a en partie permis de mettre en lumière les nombreux avantages de la mise en place d’essais cliniques digitaux. Aux États-Unis, les NIH (National Institutes of Health, institutions gouvernementales des États-Unis qui s'occupent de la recherche médicale et biomédicale) et la NSF (National Science Foundation, agence indépendante des États-Unis qui soutient financièrement la recherche scientifique) se sont concentrés sur la question dans un workshop ayant eu lieu en avril 2019. Ils sont particulièrement intéressés par la réduction des coûts et de la durée des essais cliniques que peut apporter leur digitalisation. Cependant, cette digitalisation s’accompagne de limites telles que la sécurité des données des patients.
Qu’est-ce qu’un essai clinique ? En quoi peut-on le digitaliser ? Si vous vous posez la question, la première partie de l’article est faite pour vous ! Ensuite, quand les essais cliniques digitaux n’auront plus de secret pour vous, nous essayerons d’en lister les avantages en regard des méthodes traditionnelles. Pour finir, nous mettrons en lumière les perspectives, limites et enjeux de cette digitalisation en forte croissance.
Qu’est ce que la digitalisation dans les essais cliniques ?
Définition d’un essai clinique
Pour bien comprendre l’incidence de la digitalisation des essais cliniques, il convient de définir un essai clinique et de comprendre son processus. D’après l’Inserm, « l’objectif d’un essai clinique portant sur un produit de santé (médicament, dispositif ou thérapie cellulaire et génique) est d’évaluer la sécurité et l’efficacité de ce dernier chez des volontaires sains ou malades. Le médicament pourra obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) si son efficacité est prouvée, et s’il est sans danger pour le patient et peut être utilisé en toute sécurité. »
Description des phases
Avant de débuter un essai clinique, une phase pré-clinique a lieu, pendant laquelle des tests sont réalisés in vivo (sur des animaux) et in vitro (sur des cellules humaines). Lors de cette phase, on détermine les doses suivantes :
- MTD (Maximal Tolerated Dose) : La dose la plus élevée d’un médicament ou traitement qui ne provoque pas d’effets secondaires inacceptables, c’est à dire qui ne compromettra pas la survie de l’animal auquel est administré le médicament ou traitement
- NOEL (No Observed Effect Level) : C’est la dose la plus élevée pour laquelle aucune modification n’est repérée chez l’animal.
- HED (Human Equivalent Dose) : Les doses MTD et NOEL sont ensuite converties en dose équivalente chez l’humain.
Une fois la phase pré-clinique terminée, l’essai clinique peut débuter par la phase I.
D’après L’Inserm la phase I consiste en l’étude de la sécurité (tolérance aux effets indésirables) du médicament ou traitement et de son comportement dans l’organisme humain (étude de la cinétique et du métabolisme chez l’Homme). Les groupes de volontaires participant à la phase I sont souvent de petite taille.
La phase II teste l’efficacité du traitement et permet de calculer la dose optimale du médicament ou traitement. Elle est divisée en deux phases: la phase IIa mesure l’efficacité sur un nombre limité de patients et la phase IIb détermine la dose optimale avec plus de patients.
La phase III permet de comparer la solution étudiée aux solutions déjà existantes. Si le rapport bénéfice/risque du traitement est accepté, celui-ci obtient une autorisation de mise sur le marché (AMM) qui est délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
La phase IV permet d’assurer un suivi long terme du traitement en évaluant la tolérance au médicament ou traitement et les effets indésirables sur un plus grand nombre de patients.
Et si on ajoute de la tech, ça donne quoi ?
D’après l’article Digitizing clinical trial, paru dans la grande revue scientifique Nature en 2020, il y a trois leviers possibles dans la digitalisation d’un essai clinique :
- Recrutement digital et rétention des patients : cela comprend le recrutement des patients à l’aide de réseaux sociaux, le consentement en ligne, la communication patients – professionnels de santé
- Collecte des données : utilisation de bio-marqueurs pour mesurer certaines informations physiologiques, les réponses des patients (exemple : collecte de symptômes, antécédents médicaux, informations personnelles et physiologiques) à des questionnaires mises à disposition des professionnels de santé et de la recherche
- Analyse des données : interopérabilité des données, traitement et analyse des données à l’aide d’outils tels que le Machine Learning
Maintenant que les essais cliniques et leur digitalisation sont (je l’espère) un peu plus clairs pour vous, vous vous demandez sûrement quels sont les avantages de cette digitalisation des essais cliniques par rapport aux méthodes traditionnelles.
Les avantages
Le digital pourrait répondre à certaines problématiques auxquelles font face les essais cliniques. En voici quelques unes:
- Le recrutement des patients : ce volet incontournable est compliqué pour plusieurs raisons. Certaines personnes peuvent être réticentes à y participer par peur des effets non identifiés du traitement. Ces difficultés à recruter des patients peuvent également venir du manque d’investissement des cliniciens, d’aspects financiers ou encore des critères parfois très spécifiques dans les personnes recherchées. De plus, des disparités importantes sont remarquées chez les patients recrutés (ethnie, âge, …). Par exemple, 40 % des essais cliniques portant sur de la cardiologie excluent les personnes âgées, pourtant les plus sujettes à ce type de pathologie. La digitalisation peut répondre à ces problématiques notamment parce qu’un recrutement en ligne permettrait de toucher un plus grand nombre de personnes.
- Accessibilité et charge mentale: selon Veille Acteurs santé, 70 % des patients qui participent à un essai clinique en France habitent à plus de 2 heures du centre investigateur. Parfois ces patients sont très malades, ce qui rend leur déplacement compliqué et augmente leur charge mentale. Avoir la possibilité de réaliser des exercices à distance leur permet de rester chez eux et allège mentalement et physiquement leur participation à l’essai clinique.
- Réduction des biais : lorsque certains patients doivent réaliser des exercices en clinique et de manière épisodique, ils mettent beaucoup d’entrain à réussir l’exercice qui leur est demandé. Lorsque le même type d’action est réalisé à la maison et quotidiennement, le patient est en condition réelle de vie et les données collectées sont moins biaisées et plus fiables pour étudier les résultats d’un traitement.
- Réduction des coûts et de la timeline : lorsqu’un patient se rend au centre investigateur, cela nécessite des personnes pour assurer sa prise en charge, dans la clinique et pendant le transport, ce qui engendre des coûts supplémentaires. Imaginez que les exercices, le monitoring, les consultations, etc. sont faits à distance, une économie de coût et de temps (moins de latence entre des tests, consultations) non négligeable serait engendrée.
- Suivi en continu des patients: certains patients nécessitent un suivi très régulier. La digitalisation permet dans certains cas de faire de la télé-surveillance de patients ayant besoin d’assistance : ce point-là ne concerne pas que les essais cliniques, mais plus largement des patients ayant besoin d’assistance.
La digitalisation apparaît donc comme un bénéfice non négligeable pour la recherche et les essais cliniques. Mais alors, quels sont les contours d’une collaboration entre la recherche en santé et la tech ?
Les perspectives, limites & enjeux
De plus en plus de grands groupes pharmaceutiques se mettent à digitaliser leurs essais cliniques car ils y perçoivent une forte valeur ajoutée.
Face à cette croissance de décentralisation des essais cliniques certaines évolutions seront nécessaires :
- Il va être important de mettre en place des processus pour conserver la sécurité des données des patients, levier fondamental dans le traitement des données de santé
- Les SI seront amenés à évoluer vers des modèles interopérables pour faciliter le quotidien des professionnels de santé et améliorer l’accès aux données pour favoriser la recherche
- Des bases de données utilisables pour tous qui décriraient les différents essais cliniques devront être mises en place
- Les protocoles d’essais cliniques étant établis pour des essais cliniques traditionnels, il devront être repensés pour les essais cliniques digitaux
- Il faudra former les soignants et patients à l’utilisation des technologies utilisées dans les essais
- Il sera intéressant de réaliser une étude poussée des risques et bénéfices de la digitalisation des essais cliniques
Conclusion
Le numérique est un outil puissant pour aider les essais cliniques à réduire leur durée et minimiser leurs coûts. Il permet également d’augmenter le nombre de patients inscrits tout en diminuant leur charge mentale. La digitalisation apparait donc comme un vecteur d’accélération de recherche dans la santé qu’il faut cadrer pour que la technologie puisse soutenir au mieux les essais cliniques.
Notre expertise dans le développement de dispositifs médicaux numériques permet aujourd’hui à nos clients grands groupes pharmaceutiques d’apporter une réelle valeur ajoutée à la technologie dans les essais cliniques grâce à nos connaissances en santé, développement, conception de produit et compliance. C’est d’ailleurs ce que nous comptons faire pendant les 10 prochaines années chez Hokla, car nous sommes convaincus que la tech pourra considérablement améliorer la qualité de vie des patients et aider au mieux les professionnels de santé par une profonde connaissance de leurs besoins et aspirations.
Si vous avez envie de discuter / débattre des points abordés dans cet article, n’hésitez pas à me contacter sur mon LinkedIn Constance Bousquet, c’est avec plaisir que je vous répondrai !