En 2030, la France devra faire face à de nombreux défis de santé : vieillissement de la population et perte d’autonomie (1,7 millions de personnes âgées dépendantes), hausse des maladies chroniques (+50% de français concernés) et desertification médicale (20 millions de Français isolés).
Dossiers patients informatisés, suivi de mesures biométriques via des patchs, analyse de radiographies grâce à l’IA… les technologies au service de la santé accompagnent une nouvelle approche de la médecine 6P* qui vise à rendre les patients de plus en plus acteurs de leur santé, à anticiper des pathologies, à soigner grâce à des traitements ciblés en amont, à mieux organiser les parcours de soins et à prouver les effets des thérapeutiques.
On observe déjà une accélération de l’utilisation et du partage des données de santé grâce au développement de solutions digitales à destination des patients et professionnels de santé : plus de 350 000 applications santé sont disponibles sur les stores en 2022 dans le monde, contre 100 000 en 2016.
Mais comment assurer une meilleure médecine sur tout le continuum santé du patient, tout en s’appuyant sur une multitude de dispositifs et d’applications aussi variés dans les usages, dans les technologies et dans les formats de données ?
*(personnalisée, préventive, prédictive, participative et des preuves)
Le retour de Babylone
Dans un autre monde, les hommes ne parlaient qu'une seule et même langue. Ils souhaitaient construire une tour qui atteindrait les cieux par sa hauteur, et leur permettrait ainsi d'accéder directement à leur Paradis.
Ils partageaient le même objectif et disposaient de toutes les expertises et ressources pour fabriquer et assembler les briques qui constitueraient ce grand édifice.
Mais pourquoi alors n’ont-ils jamais réussi ?
Parce qu’un jour, en raison d’un évènement, ils ont arrêté de parler la même langue.
Très rapidement, les maitres d’oeuvre ne comprenaient plus les architectes. Les ouvriers n’arrivaient plus à coordonner leurs gestes. La qualité des briques différait d’un atelier à l’autre. L’incompréhension totale puis le chaos se sont installés, si bien qu’ils n’ont jamais réussi à construire cette tour et que chacun a décidé de vivre de son côté.
C’est ce manque d’interaction, de partage et d’efficacité entre toutes les parties prenantes du parcours de soin d’un patient français, que cherche à éviter le cadre d’intéropérabilité.
Devant la multiplication des systèmes d’information dans le secteur, il est devenu nécessaire d’adopter un langage commun et de renforcer les règles informatiques qui favorisent la coopération entre les acteurs. Qu’elle soit technique ou sémantique, l’intéropérabilité favorise le partage et l’échange des données de santé au service d’une meilleure prise en charge des patients, d’une meilleure qualité de travail des professionnels de santé et d’une meilleure gestion des coûts pour notre système de santé.
Dans la peau de Xavier, patient français de 30 ans en Haute-Marne
Prenons l’exemple de Xavier, professeur des écoles de 30 ans vivant à Rachecourt-sur-Marne en Haute Marne.
Il a des douleurs vives au niveau d’une de ses dents. Il va tout d’abord prendre rendez-vous chez son dentiste dans sa ville, grâce à son site de prise de rendez-vous préféré. Le lendemain, après un examen de ses dents, le dentiste va rédiger un compte-rendu de sa consultation dans son logiciel de gestion de cabinet, et va le transmettre dans le dossier médical partagé de Xavier. Il prescrit une radio pour vérifier son premier diagnostic : une rage des dents.
Xavier prend rendez-vous en ligne et se rend dans son cabinet de radiologie situé à Saint Dizier, à 20 minutes de chez lui en voiture, muni seulement de sa carte vitale. Toutes ses informations (ex : antécédents, compte-rendu du dentiste…) sont déjà disponibles pour la radiologue dans son Dossier médical partagé (DMP), après qu’il ait accepté le partage de ses données. L’aide manipulateur va réaliser la radio en s’appuyant sur un logiciel IA qui communique avec le RIS et le PACS de son cabinet, et va pointer les zones d’intérêt de la radio. Le diagnostic de la rage de dent est confirmé par la radiologue et le dentiste. L’ensemble des documents sont versés dans le DMP de Xavier.
Trois jours plus tard, une opération est programmée chez son chirurgien-dentiste. Il reçoit par mail -un jour avant- l’ensemble des informations pour se rendre à son rendez-vous ainsi que les informations à remplir pour son admission. Il arrive le jour J pour l’opération et est directement pris en charge.
L’opération s’est bien passée. Le dentiste lui propose de bénéficier d’un suivi en ambulatoire à travers une solutions de SMS, qui lui partagera des recommandations pendant sa convalescence et identifier s’il a des complications.
L’intéropérabilité a permis à Xavier d’avoir un bon échange d’informations entre ses différents examens et changements d’interlocuteurs, d’être pris en charge plus rapidement lors de son opération et de bénéficier d’un diagnostic et de conseils plus précis tout au long de son parcours.
Les professionnels de santé ont pu plus facilement rédiger et partager leurs documents, être aidés dans leur diagnostic et plus se centrer sur leur patient pendant leur examen : ils ont gagné du temps ‘administratif’ au bénéfice de la qualité de leurs consultations.
Maintenant que l’on comprend l’importance de communiquer et de partager l’information de santé, encore faut-il que l’on s’accorde sur notre langue commune. Et surtout, qui va décider et réguler tout cela ?
One Agency to rule them all
C’est l’ANS qui définit le cadre d’intéropérabilité applicable à l’ensemble des dispositifs médicaux numériques.
L'Agence du numérique en santé (ANS), anciennement Agence des systèmes d’information partagés de santé ou ASIP-Santé, est une agence gouvernementale française chargée de la santé numérique.
Elle a deux fonctions principales:
- L’une régulatrice, visant à garantir une connectivité de confiance des Systèmes d’information de Santé (SIS) par la conception architecturale et la normalisation technique de l’intéropérabilité des dispositifs et l’identification sécurisée des usagers professionnels ;
- L’autre opératrice, celle d’une maîtrise d’ouvrage déléguée du développement et de l’exploitation d’applicatifs métier permettant d’accroître la couverture fonctionnelle du SIS.
Pour l’aider à définir ce cadre, l’ANS a consulté les représentants des professionnels de santé et du médico-social ainsi que les éditeurs des systèmes d’information de santé pour constituer un volet autour de spécifications syntaxiques (structuration et format des données) et un autre autour de spécifications sémantiques (jeux de valeurs et terminologies de référence). Ils sont organisés en trois couches :
- les contenus, afin de classer ensemble les différents types d’informations médicales ;
- les services, pour définir les modalités d’échanges et de partage pour communiquer les contenus avec efficacité et en toute sécurité (INS, ProSantéConnect…) ;
- le transport des données, dont la réalité est à la fois virtuelle et pleinement matérielle.
Le cadre étant posé, en concertation avec les acteurs du systèmes de santé, comment inciter ces derniers à le mettre en oeuvre dès à présent pour mieux prendre en charge les patients ?
Un grand pas pour l’intéropérabilité
Le passage à un remboursement de droit commun de la télésurveillance a été voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Initialement prévu pour le 1er juillet 2022, il a finalement été décalé au 1er juillet 2023.
Jusqu'alors, cette activité de télémédecine pouvait être prise en charge à titre expérimental dans le cadre du programme ETAPES pour cinq pathologies : insuffisance respiratoire chronique, insuffisance cardiaque chronique, insuffisance rénale chronique, diabète ou patients porteurs de prothèses cardiaques implantables à visée thérapeutique.
Pour entrer dans le droit commun et bénéficier d’une prise en charge par l’assurance maladie, les acteurs proposant ces dispositifs doivent maintenant respecter ce fameux cadre d’intéropérabilité des systèmes d’information de santé (CI-SIS).
Il faut pour cela répondre à plusieurs exigences sur les domaines fonctionnels suivants (pour lesquels nous vous proposerons une description complète dans nos articles à venir) :
- L’identité nationale de santé ;
- La portabilité des données de santé ;
- L’identification électronique des acteurs des secteurs sanitaire, médico-social et social et des usagers ;
- L’annuaire de santé ;
- L’administration, sécurisation et traçabilité des données du système ;
- La protection des données de santé.
Mais juillet ça arrive bientôt ! Comment faire pour entrer dans le droit commun le plus tôt possible ?
Une centaine d’exigences à respecter, mais vous n’êtes pas seuls !
Vous pouvez consulter ici les ressources mises à dispositions par l’ANS et qui décrivent les exigences et les étapes de validation de votre démarche de certification.
En tant que fabricant de dispositif médical de télésurveillance, vous devrez répondre à 103 exigences pour la mise en conformité avec le référentiel d’intéropérabilité de l’ANS.
Vous n’avez pas le temps ou pas la connaissance pour mener à bien ce projet ?
HOKLA, expert dans le développement de dispositifs médicaux numériques, interviendra pour :
- spécifier les écarts de votre logiciel avec le référentiel interopérable,
- combler ces écarts en intégrant Lifen Platform, Pro Santé Connect et l’Annuaire Santé,
- générer les preuves exigées par l’ANS, en moins de trois mois,
- téléversement sur la plateforme Convergence.
Vers une intéropérabilité généralisée ?
Une deuxième vague d'exigences arrivera en 2024, visant à intégrer la messagerie MS Santé ainsi que les données de santé directement dans le Dossier Médical Partagé (DMP). D’ici 2025, il sera applicable à l’ensemble des Dispositifs Médicaux Numériques souhaitant être certifiés et bénéficier d’une prise en charge par l’Assurance Maladie.
Au delà du territoire Français, des initiatives sont à l’étude -notamment par l’OMS (Organisation Mondial de la santé)- pour développer les technologies de l’information et de communication interopérables afin d’accélérer les progrès de l’humanité, réduire la fracture numérique et donner naissance à des sociétés du savoir à l’échelle mondiale !
Sources :